conteur burkinabé, encadreur de l’atelier sur le Patrimoine oral revient sur les caractéristiques premières du genre.
Qu’est-ce qu’un conte ?
Je définirais le conte comme un élément culturel vital dans la vie de l’être humain. Le conte est incontournable, il accompagne l’être humain à chaque instant de son quotidien. Le conte est un enseignant, un aventurier, un voyageur qui n’a pas de but fixe, mais qui est généreux et humble. Il sait donner autant qu’il sait prendre. Il sait aussi s’habituer, s’acclimater en fonction du lieu, du temps et de la circonstance. C’est en même temps un médiateur et un conseiller.
Quand vous parlez d’accompagnement, quel sens cela a-t-il ?
Tout être humain porte une histoire en lui, un conte. Mais cela est endormi, et ce n’est pas tout le monde qui arrive à réveiller ce qui est endormi en soi. Pourtant, on a tous quelque chose à raconter. On a tous quelque chose à apprendre tous les jours dans la vie. On a tous déjà appris quelque chose, on a tous déjà été choqués, touchés, par un enseignement, par une situation.
Lors de l’atelier, vous avez affirmé que toute histoire n’est pas un conte. Pourquoi ?
En Afrique, quand l’on observe nos traditions orales, on prend par exemple l’épopée, On peut tout y trouver. L’épopée c’est généralement un genre de récit qui est long. Et dans une épopée, on peut trouver le conte, la légende, le mythe, la fable, le chant, la poésie, etc. Le mythe était généralement utilisé pour donner un enseignement, c’était pour nous faire croire à des choses qui n’étaient pas forcément vraies, mais c’était pour qu’on puisse respecter les lois de la tradition. C’était sacré. Avec des rituels autour. Maintenant, quand le mythe est désacralisé, on l’appelle légende. Donc, quand on regarde le fond du conte, on peut dire que c’est un genre de récit choisi pour nous enseigner, pour nous éduquer, mais surtout pour nous distraire. Je résume le conte à cela, nous distraire. Je le classifie donc dans ce qu’on appelle les paroles de futilités utiles. Ainsi, ces paroles, on les croit futiles, pourtant elles sont utiles parce qu’on apprend quelque chose.
Quand vous apprenez aux stagiaires, dans le cadre de l’atelier, comment écrire et rendre leur texte. Y a-t-il une manière particulière de présenter un conte ?
Le conte est un domaine pas du tout facile. Il est écrit à l’imparfait, mais il n’est pas raconté à l’imparfait. Il est en général raconté au présent. Beaucoup de gens racontent le conte comme il est écrit à l’imparfait certes, mais cela est la forme littéraire de l’Occident qui nous a surpassés. Seulement, nos vieux ne racontent pas à l’imparfait, ils racontent au présent. Et le présent se vit, le conte c’est quelque chose qui se vit à l’instant présent, qui se partage. L’imparfait c’est du passé, quelque chose par quoi on peut ne pas se sentir concerné. Or, le conte, quelque soit sa vieillesse, il sera toujours vivant parmi nous. Nous allons mourir et le laisser.
Que doit contenir un texte pour captiver l’auditoire ?
C’est le fond de ce que tu veux dire. Le sens et l’essence des mots. C’est le message. Et un bon conteur est capable de le faire.
Que doit avoir le bon conteur ?
Pareil. Si tu as tous ces éléments réunis, tu deviens un bon conteur. Il faut trouver les bons éléments pour bien prononcer le conte. Il faut que les gens t’écoutent.
Un bon griot est-il un bon conteur ?
D’abord, le mot griot reste encore ambigu pour les sociétés africaines. En Afrique de l’Ouest par exemple, on a des griots et on a d’autres personnes pour lesquelles on n’a toujours pas trouvé d’appellation en français, ce sont les Djieli, qui enseignent, qui font la transmission de père en fils, qui sont porteurs de mémoire. On peut être de la famille des Djieli sans être un conteur, sans être un musicien, sans être un chanteur. Cela dépend. Il y a tellement de disciplines artistiques et culturelles. En Afrique centrale, le griot n’est pas pareil qu’en Afrique de l’Ouest. Mais pour faciliter la compréhension, l’Occident nous a mis tous dans le même panier. Donc il y a une ambiguïté à ce niveau. Il faut lever cette nuance. En Afrique centrale, le griot, d’après ce que j’ai pu comprendre, c’est le joueur de mvet qui fait des louanges, qui raconte des récits. La transmission se fait de père en fils, en général, en tout cas, elle reste dans la famille. Parce qu’il peut y avoir un griot qui a des enfants et parmi ses enfants, il peut y en avoir qui ne sont pas du tout conteurs, qui ne deviennent pas conteurs parce qu’ils n’ont pas le don de la parole. Parce que devenir conteur c’est quand même avoir le don de la parole, le don de la subtilité de la parole.
Quelle est la part de la parole dans le conte ?
C’est le conte qui est dans la parole, parce que c’est l’ensemble des mots qui constituent la parole. Ce n’est pas le mot derrière lequel on met une image qui va constituer la parole. Plutôt l’ensemble. La parole est imagée, elle est entendue, elle est prononcée. On dit que le conte est dans la parole parce qu’il n’y a pas une seule forme de la parole. La parole est large, c’est l’élément prédominant. Donc il faut parler de la place du conte dans la parole, qui consiste en l’enseignement, l’éducation et la distraction.
Par rapport au thème du festival, contes et musique, est-ce que la musique a forcément une place incontournable dans le conte.
On ne peut pas dire ça. La musique est un décor du conte. Tout comme la danse peut l’être. Mais il faut que ce soit bien juxtaposé.
Mais est-ce qu’un conte accompagné de musique ajoute quelque chose à la narration ?
Oui, parce que ce n’est pas tout conte qui peut se raconter avec la musique. Ça dépend du genre. Ce n’est non plus tout artiste qui sait allier la musique au conte. Quand on observe les prestations des conteurs, il y a toute une panoplie de différences dans le style. Certains sont digestes avec un instrument de musique, contrairement à d’autres qui ne nécessitent pas forcément un instrument.
Est-ce qu’il y a des instruments spécifiques au conte ?
Moi je ne parlerais pas d’instruments spécifiques. Parce qu’en même temps, la particularité d’un instrument dépend de l’affection du conteur pour son instrument.
Que serait une vie sans conte ?
Une vie sans conte, ça n’existe pas. Je ne peux même pas me l’imaginer. Parce que même les animaux qui ne parlent pas ont des contes. Ils s’expriment par des gestes. Regardons les sourds-muets, ils ne parlent pas, ils n’entendent pas, mais ils communiquent, ils racontent par des gestes, par des signes. C’est pareil pour les animaux.
Propos recueillis par Rita Diba
Je définirais le conte comme un élément culturel vital dans la vie de l’être humain. Le conte est incontournable, il accompagne l’être humain à chaque instant de son quotidien. Le conte est un enseignant, un aventurier, un voyageur qui n’a pas de but fixe, mais qui est généreux et humble. Il sait donner autant qu’il sait prendre. Il sait aussi s’habituer, s’acclimater en fonction du lieu, du temps et de la circonstance. C’est en même temps un médiateur et un conseiller.
Quand vous parlez d’accompagnement, quel sens cela a-t-il ?
Tout être humain porte une histoire en lui, un conte. Mais cela est endormi, et ce n’est pas tout le monde qui arrive à réveiller ce qui est endormi en soi. Pourtant, on a tous quelque chose à raconter. On a tous quelque chose à apprendre tous les jours dans la vie. On a tous déjà appris quelque chose, on a tous déjà été choqués, touchés, par un enseignement, par une situation.
Lors de l’atelier, vous avez affirmé que toute histoire n’est pas un conte. Pourquoi ?
En Afrique, quand l’on observe nos traditions orales, on prend par exemple l’épopée, On peut tout y trouver. L’épopée c’est généralement un genre de récit qui est long. Et dans une épopée, on peut trouver le conte, la légende, le mythe, la fable, le chant, la poésie, etc. Le mythe était généralement utilisé pour donner un enseignement, c’était pour nous faire croire à des choses qui n’étaient pas forcément vraies, mais c’était pour qu’on puisse respecter les lois de la tradition. C’était sacré. Avec des rituels autour. Maintenant, quand le mythe est désacralisé, on l’appelle légende. Donc, quand on regarde le fond du conte, on peut dire que c’est un genre de récit choisi pour nous enseigner, pour nous éduquer, mais surtout pour nous distraire. Je résume le conte à cela, nous distraire. Je le classifie donc dans ce qu’on appelle les paroles de futilités utiles. Ainsi, ces paroles, on les croit futiles, pourtant elles sont utiles parce qu’on apprend quelque chose.
Quand vous apprenez aux stagiaires, dans le cadre de l’atelier, comment écrire et rendre leur texte. Y a-t-il une manière particulière de présenter un conte ?
Le conte est un domaine pas du tout facile. Il est écrit à l’imparfait, mais il n’est pas raconté à l’imparfait. Il est en général raconté au présent. Beaucoup de gens racontent le conte comme il est écrit à l’imparfait certes, mais cela est la forme littéraire de l’Occident qui nous a surpassés. Seulement, nos vieux ne racontent pas à l’imparfait, ils racontent au présent. Et le présent se vit, le conte c’est quelque chose qui se vit à l’instant présent, qui se partage. L’imparfait c’est du passé, quelque chose par quoi on peut ne pas se sentir concerné. Or, le conte, quelque soit sa vieillesse, il sera toujours vivant parmi nous. Nous allons mourir et le laisser.
Que doit contenir un texte pour captiver l’auditoire ?
C’est le fond de ce que tu veux dire. Le sens et l’essence des mots. C’est le message. Et un bon conteur est capable de le faire.
Que doit avoir le bon conteur ?
Pareil. Si tu as tous ces éléments réunis, tu deviens un bon conteur. Il faut trouver les bons éléments pour bien prononcer le conte. Il faut que les gens t’écoutent.
Un bon griot est-il un bon conteur ?
D’abord, le mot griot reste encore ambigu pour les sociétés africaines. En Afrique de l’Ouest par exemple, on a des griots et on a d’autres personnes pour lesquelles on n’a toujours pas trouvé d’appellation en français, ce sont les Djieli, qui enseignent, qui font la transmission de père en fils, qui sont porteurs de mémoire. On peut être de la famille des Djieli sans être un conteur, sans être un musicien, sans être un chanteur. Cela dépend. Il y a tellement de disciplines artistiques et culturelles. En Afrique centrale, le griot n’est pas pareil qu’en Afrique de l’Ouest. Mais pour faciliter la compréhension, l’Occident nous a mis tous dans le même panier. Donc il y a une ambiguïté à ce niveau. Il faut lever cette nuance. En Afrique centrale, le griot, d’après ce que j’ai pu comprendre, c’est le joueur de mvet qui fait des louanges, qui raconte des récits. La transmission se fait de père en fils, en général, en tout cas, elle reste dans la famille. Parce qu’il peut y avoir un griot qui a des enfants et parmi ses enfants, il peut y en avoir qui ne sont pas du tout conteurs, qui ne deviennent pas conteurs parce qu’ils n’ont pas le don de la parole. Parce que devenir conteur c’est quand même avoir le don de la parole, le don de la subtilité de la parole.
Quelle est la part de la parole dans le conte ?
C’est le conte qui est dans la parole, parce que c’est l’ensemble des mots qui constituent la parole. Ce n’est pas le mot derrière lequel on met une image qui va constituer la parole. Plutôt l’ensemble. La parole est imagée, elle est entendue, elle est prononcée. On dit que le conte est dans la parole parce qu’il n’y a pas une seule forme de la parole. La parole est large, c’est l’élément prédominant. Donc il faut parler de la place du conte dans la parole, qui consiste en l’enseignement, l’éducation et la distraction.
Par rapport au thème du festival, contes et musique, est-ce que la musique a forcément une place incontournable dans le conte.
On ne peut pas dire ça. La musique est un décor du conte. Tout comme la danse peut l’être. Mais il faut que ce soit bien juxtaposé.
Mais est-ce qu’un conte accompagné de musique ajoute quelque chose à la narration ?
Oui, parce que ce n’est pas tout conte qui peut se raconter avec la musique. Ça dépend du genre. Ce n’est non plus tout artiste qui sait allier la musique au conte. Quand on observe les prestations des conteurs, il y a toute une panoplie de différences dans le style. Certains sont digestes avec un instrument de musique, contrairement à d’autres qui ne nécessitent pas forcément un instrument.
Est-ce qu’il y a des instruments spécifiques au conte ?
Moi je ne parlerais pas d’instruments spécifiques. Parce qu’en même temps, la particularité d’un instrument dépend de l’affection du conteur pour son instrument.
Que serait une vie sans conte ?
Une vie sans conte, ça n’existe pas. Je ne peux même pas me l’imaginer. Parce que même les animaux qui ne parlent pas ont des contes. Ils s’expriment par des gestes. Regardons les sourds-muets, ils ne parlent pas, ils n’entendent pas, mais ils communiquent, ils racontent par des gestes, par des signes. C’est pareil pour les animaux.
Propos recueillis par Rita Diba
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